
A 46 ans, l’avocate vaudoise, mère de deux enfants, est aujourd’hui une parlementaire qui compte. Connaissance des dossiers et capacité de dialogue sont ses atouts.
A quel moment vous êtes-vous dit «je vais être candidate au Conseil fédéral»?
Le Conseil fédéral n’a jamais été un rêve de jeunesse. Je suis issue d’un milieu modeste – mes parents étaient cheminots –, mon premier rêve a été de devenir avocate. Je me souviens de la réaction de ma grand-mère. «Ce n’est pas un métier pour nous», m’avait-elle dit. Employée d’usine, elle ne pouvait pas imaginer que sa petite-fille puisse devenir avocate. J’ai réalisé ce rêve, puis j’ai pu accéder au Parlement. C’était inoubliable d’entrer pour la première fois dans la salle du Conseil national. Jusqu’à la démission de Didier Burkhalter, je n’avais pas particulièrement pensé au Conseil fédéral. Quand des collègues m’ont demandé de réfléchir à une candidature, je me suis alors dit que le défi était passionnant, que c’était l’occasion de défendre mes idées, ma vision de la Suisse, et d’expliquer tout ce que j’avais déjà réalisé.
Un Vaudois siège déjà au Conseil fédéral. Cela ne représente-t-il pas un obstacle à votre candidature?
Je pense que ce sont les compétences qui doivent primer. De fortes convictions, une capacité de dialogue dans l’optique d’aboutir à des compromis, ce sont mes qualités. Je défends toujours mes idées avec vigueur, mais je suis quelqu’un d’ouvert à la discussion et capable de créer des ponts avec tous les autres partis, tant avec l’UDC pour l’accélération des procédures d’asile qu’avec la gauche pour la politique familiale, par exemple.
On ne peut cependant pas éluder l’élément de la représentativité régionale…
C’est un élément qui doit être pris en compte, certes. Mais je remarque qu’il y a déjà eu deux Zurichois et deux Bernois. Et de fait, il y a déjà eu deux Vaudois en même temps, deux anciens syndics de Lausanne même, Georges-André Chevallaz et Pierre Graber, ce dernier ayant été considéré comme Neuchâtelois, son canton d’origine, bien qu’il ait fait toute sa carrière politique et sa fête d’élection dans le canton de Vaud. J’estime de plus qu’il est réducteur de me considérer comme Vaudoise. Originaire de Braggio, dans la partie italophone des Grisons, ma mère est née à Porrentruy et a suivi toute sa scolarité à Davos. Mon père est un Bâlois né dans le Haut-Valais, à Saas-Almagell. Surtout, il n’y a jamais eu de femme latine de droite ou du centre au Conseil fédéral. Les deux Romandes (ndlr: Ruth Dreifuss et Micheline Calmy-Rey) étaient socialistes…
La carte «femme» est-elle importante à vos yeux?
Le fait d’être une femme passe après mes compétences. Mais une représentation féminine suffisante au Conseil fédéral est importante et c’est un élément qui compte pour beaucoup de mes soutiens. Les femmes PLR ne sont plus représentées au gouvernement depuis vingt-huit ans.
Que pouvez-vous apporter au Conseil fédéral?
Ma bonne connaissance des dossiers. Celle-ci ne se limite pas aux domaines de la santé et du social, sur lesquels je me suis beaucoup prononcée ces derniers temps. J’ai été membre de la commission de surveillance des secrets d’Etat, qui examine l’activité du Conseil fédéral en temps de crise, à l’époque des crises de l’UBS et des otages en Libye.
Quel est le principal enjeu de la Suisse de ces prochaines années?
Parmi les PME, 75% estiment que la numérisation va changer complètement le marché dans les cinq ans. C’est un enjeu fondamental. Même des secteurs comme celui de l’agriculture devront s’adapter. C’est une véritable révolution qui bousculera tous les aspects de notre vie quotidienne. La Suisse ne peut pas se permettre de prendre du retard, car notre matière grise est notre principale ressource. Il faudrait par exemple que les enfants apprennent à l’école la programmation, au même titre qu’une langue étrangère. C’est pour souligner cet impératif que j’ai lancé ma campagne à l’EPFL, symbole de l’innovation. Un autre enjeu prioritaire concerne notre relation avec l’Union européenne.
L’Europe, est-ce vraiment encore une question actuelle?
Elle est plus actuelle que jamais. La question n’est pas de savoir si l’on doit avoir des relations avec l’Union européenne, mais comment. De par notre situation géographique, elle est notre premier partenaire économique. Nous devons permettre à nos entreprises, déjà pénalisées par le franc fort et des salaires plus élevés, d’exporter sans entraves dans les pays qui nous entourent et de créer ainsi des emplois et de la prospérité. Beaucoup de nos accords avec l’UE sont basés sur des éléments aujourd’hui dépassés. Ils doivent être mis à jour.
Comment voyez-vous la Suisse dans vingt ans?
Je vois une Suisse qui a conservé ses valeurs tout en les renouvelant, qui a valorisé ses minorités et a réussi le pari de l’intégration. Une Suisse qui a gardé le respect de la démocratie directe et du dialogue social entre employeurs et salariés. Une Suisse toujours ouverte, permettant à ses jeunes d’aller se former et travailler à l’étranger, avant de revenir apporter leur savoir-faire ici. Une Suisse qui a trouvé un équilibre entre force des traditions et liberté.