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Sébastien Buemi, pilote impérial à Paris

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Blaise Kormann
Les courses de formule E et leurs bolides électriques se déroulent en pleine ville sur des circuits provisoires. Paris, avec ses monuments, est l’un des plus somptueux. On aperçoit le dôme doré des Invalides, où repose le corps de Napoléon.
Automobile

Le Vaudois s’est imposé à Paris, aux Invalides, en formule E, le championnat de voitures électriques. Numéro un du classement, il fait 
le bonheur d’Alain Prost, son patron. Rencontre avec un champion cool.

En plein cœur de Paris, au sein de l’écurie tricolore Renault e.dams, on affichait le sourire des grands jours samedi, à l’issue de la course de formule E, le Championnat international de voitures électriques. Avec Sébastien Buemi, le pilote suisse de 28 ans, la plus haute marche du podium est presque une habitude: cinq fois en six courses depuis le début de la saison. Laura Flessel, la nouvelle ministre française des Sports, a fait le déplacement et c’est Anne Hidalgo, maire de la capitale, qui remet la coupe au Vaudois après deux bises amicales. L’hymne suisse retentit avant la Marseillaise, le vent a permis d’éviter la pluie, l’ambiance est festive. Sur la grande scène, Alain Prost, copropriétaire de l’écurie avec Jean-Paul Driot, donne de grandes tapes sur l’épaule de son poulain. Il apprécie autant le compétiteur que l’homme. «L’entente dans l’équipe est très importante, notamment grâce à lui. Et, en plus, Sébastien est très difficile à battre. Il progresse sans cesse.»

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Derniers réglages avant le départ des essais libres. Sébastien Buemi écoute les derniers conseils de son mécanicien. Photo: Blaise Kormann

Premier du classement du Championnat du monde depuis la saison dernière, le Romand s’impose une semaine après Monaco, mettant un terme aux ambitions de Jean-Eric Vergne de l’écurie Techeetah. Le Français rêvait pourtant de briller devant les 46 000 spectateurs, «son» public. 

Sa femme, son équilibre 
Sébastien Buemi, comme dans le jeu de Nagui, tout le monde veut prendre sa place. Le Brésilien di Grassi, l’Argentin Lopez ont essayé. En vain. L’an dernier, le premier a fini en tête à Paris. Cette fois, entre accrochage et sortie de route, il n’a connu que des déboires. Buemi ne lui cède rien. Après la bataille, il bénéficie désormais de 43 points d’avance sur lui, deuxième au classement général. Mais le Suisse est modeste. «Pour être honnête, je ne m’attendais pas à être aussi compétitif.» 

En marge de ses étincelles en formule E, Buemi participe également au championnat d’endurance (WEC). Cette double carrière lui pose un sacré problème de calendrier. Il songe même à faire l’impasse sur la toute première course dans les rues de New York, samedi 15 et dimanche 16 juillet. Au même moment, il devrait être en Allemagne, à bord de sa Toyota, sur le Nürburgring. 

On se demande où il puise sa force et sa sérénité. Marié depuis 2015 à Jennifer, il est papa d’un petit Jules, né l’an dernier. «J’ai la chance d’avoir une femme incroyable. Elle est infirmière en pédiatrie», glissait-il, la veille, jouant avec son alliance Mood, marque suisse dont il est l’ambassadeur. «Ma femme me connaît depuis quinze ans. On a un peu grandi ensemble. Elle sait ce qu’est ma vie, les sacrifices, mes absences. Pour rester compétitif, vous devez bénéficier d’une forme de stabilité. Lorsque je rentre chez moi, elle est mon pilier. Je déconnecte, je me repose. Et je repars, concentré, d’attaque.»

Dans cette joute électrique, les bolides font «fizzz» et pas vroum vroum. «La grande différence, c’est la batterie placée à l’arrière, le Powertrain. La voiture est lourde, pas facile à piloter. Lorsqu’on la pousse, ça «emmène» pas mal!» Contrairement aux idées reçues, les dangers sont réels. Sébastien Buemi a débuté en karting à 10 ans; ancien pilote de F1 et pilote d’essai en formule 1, ce n’est pas un casse-cou. «J’essaie de trouver le juste équilibre entre risque et sécurité. Il faut essayer de ne pas dépasser ses limites. Ma femme en est consciente: tout peut arriver. Elle me fait confiance. Ma mère, elle, s’y est habituée après vingt ans. Des accidents, on en a connu. Jules Bianchi était un très bon copain, il est décédé en course (ndlr: le 17 juillet 2015).»

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Sébastien Buemi, course gagnée, pose devant la statue de Napoléon dans la cour des Invalides. Le Vaudois s’est imposé samedi dernier, c’est sa cinquième victoire en six courses. Photo: Blaise Kormann

C’est pour cette raison que le coéquipier de Sébastien, Nicolas Prost, 35 ans, a passé son enfance loin du téléviseur, lorsque son père pilotait. «A l’époque, en F1, c’était très dangereux. Il y avait un accident par course. Je ne voulais pas qu’il voie ça étant petit, commente Alain Prost. Avec sa mère, nous nous étions mis d’accord. Or, la première course qu’il a suivie en direct, c’est triste, c’était le 1er mai 1994. Imaginez si cela m’était arrivé…» Ayrton Senna, 34 ans, perdit la vie en fracassant sa Ferrari à 210 km/h contre un mur en béton.       

Samedi à Paris, Jean-Eric Vergne a fini lui aussi dans le mur, sans gravité. Les dix équipes et leurs vingt pilotes – douze nationalités différentes – ont retrouvé un tracé très technique. «Beaucoup de virages, pas très longs, une partie très bosselée avec un asphalte très vieux, précise Buemi après les repérages. Sur la partie pavée – classée – on a ajouté un petit goudron neuf pour les besoins de la course. Il a une adhérence différente. A nous de trouver le meilleur réglage de la voiture.»

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Au sein de l’écurie Renault, l’entente est parfaite. Alain Prost et Sébastien Buemi partagent une même passion de la technique et du pilotage. Photo: Blaise Kormann

Le châssis des véhicules est identique, comme les pneus et la batterie de stockage. Le but du jeu est non seulement de rouler le plus vite possible, mais en plus de savoir gérer la consommation d’énergie, jeu stratégique et spectaculaire. En freinant, on récupère un peu d’énergie. Cela nécessite toutefois deux voitures par pilote. «Chacune est munie d’une batterie de 200 kW, soit 270 ch pour les qualifications (ndlr: 170 kW en course)», souligne-t-il. Une perspective qui devrait changer dans les cinq à six ans. Les batteries auront alors une capacité supérieure. A Monaco, Buemi a fini la course avec 1% d’autonomie sur la ligne d’arrivée.

Sous le regard de Napoléon

L’enjeu est aussi bien économique et technologique qu’écologique. Les compétitions sont le laboratoire des moteurs du futur. Un marché de la voiture «propre» en plein essor. 
Paris, comme d’autres capitales, a servi d’écrin à la formule E qui n’a connu que trois saisons. La F1, elle, a 60 ans. La tour Eiffel, le Musée d’Orsay et les Invalides, que rêver de mieux? L’édifice surmonté d’une coupole dorée abrite le tombeau de Napoléon. Dans la cour pavée, la statue en uniforme et bicorne en impose. Elle est coulée dans le bronze des canons pris à l’ennemi en 1805. La main gauche du personnage est posée sur le ventre; il souffrait d’un ulcère. Buemi, lui, brandit sa coupe oubliant un instant la fatigue et la figure sévère qui le domine. «Paris reste l’une des courses les plus prestigieuses du championnat», s’émerveille une dernière fois notre champion avant de songer à Berlin, prochain rendez-vous de l’Aiglon, Buemi le conquérant.

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