
Le Genevois, également conseiller national depuis 2013, est actif en politique depuis son adolescence. Portrait d’un hyperactif curieux, grand voyageur, qui se ressource auprès de sa famille et de ses amis.
Mercredi 1er juin, la rue de l’Hôtel-de-Ville, dans la Vieille-Ville de Genève, est tendue de drapeaux: l’or et le rouge du canton et de la ville alternent avec la croix fédérale et le bleu des Nations Unies. La rue genevoise a-t-elle décidé de saluer son maire, en ce premier jour de sa nouvelle charge? Costume sombre et cravate colorée, Guillaume Barazzone, 34 ans, rit: «Ce serait bien, non? Mais je ne suis absolument pour rien dans cette décoration, et heureusement! Il y a toujours des drapeaux ici. Probablement devions-nous saluer aujourd’hui la présence de quelque représentant d’organisation internationale…» Derrière une mèche sage, l’œil pétille: le magistrat démocrate-chrétien a l’humour bien accroché et la repartie cinglante.
Unique représentant de la droite dans un exécutif communal ancré à gauche depuis son élection en 2012, celui qui est également conseiller national depuis 2013 accède cette année pour la première fois au fauteuil de maire. «Notre système prévoit que la fonction de maire soit attribuée par tournus, une fois par année. D’ailleurs, nous gardons nos dicastères respectifs. Si, à partir d’aujourd’hui, j’ai l’honneur d’être en quelque sorte la voix et le visage de notre ville, je n’en reste pas moins responsable de l’environnement urbain et de la sécurité. Je n’ai d’ailleurs pas changé de bureau ni d’équipe!»
Hyperactif politique
Cet hyperactif de la politique – il a commencé très jeune: inscrit au PDC à 18 ans, il devient conseiller municipal (législatif) à 20 tout en étant président des jeunes de son parti la même année, puis député au Grand Conseil de 2005 à 2013 –, avocat de profession avec quelques années d’exercice à son actif, précise que, pour lui, il n’y a pas vraiment de sens à séparer l’homme de la fonction: «Je n’ai pas de problème à imaginer être un professionnel de la politique. Bien sûr, c’est une grosse charge, un immense engagement, mais c’est surtout un bonheur. J’ai vraiment énormément de plaisir à travailler, je ne compte pas mes heures. D’ailleurs, je ne fais pas vraiment de distinction entre mes fonctions publiques et ma personnalité. Je me comporte toujours de la même façon avec les gens. Si quelqu’un m’arrête dans la rue pour me parler d’un projet, je ne peux pas lui répondre de repasser me voir à mon bureau. Je ne cesse pas d’être maire ou président de mon département comme je ne cesse pas d’être moi-même en fonction des circonstances ou des personnes!»
Son bureau, magnifique espace aéré ouvert à l’arrière de l’hôtel de ville et donnant sur le parc des Bastions, témoigne d’ailleurs de cette implication très personnelle. Des meubles clairs, quelques livres, dont 1984 de George Orwell, et, aux murs, des tableaux amenés de son domicile, une série de photos représentant les marbres de Carrare en Toscane, la région d’origine de sa grand-mère maternelle, une statue réalisée par sa tante, la sculptrice Théodora Barazzone, de petits animaux en bois, ramenés d’un de ses innombrables voyages, le racontent beaucoup. Tout comme une énorme malle en bois déposée juste au pied d’un drapeau de la ville: «Cette malle appartenait à mon grand-père maternel, qui s’est installé à Genève en 1956, avec ma grand-mère. Il était avocat et marin et venait d’être nommé représentant de son pays au Bureau international du travail (BIT), où il a fini sa carrière. Du côté paternel, ma famille, venant du Piémont, s’est installée à Genève à la fin du XIXe siècle. Et je suis originaire d’Avusy, dans la campagne genevoise, par ma grand-mère paternelle, une Terrier. Je suis d’ailleurs double national. Cette histoire d’émigration puis d’intégration est celle de bien des gens dans cette ville…»
Aîné d’une famille de trois enfants, Guillaume Barazzone est né et a vécu à Genève presque toute sa vie: «Mes parents, Philippe et Constance, médecins tous deux, nous ont emmenés, mon frère Adrien, ma sœur Charlotte et moi, une année en Australie. J’avais 6 ans et j’ai donc fait ma première primaire à Adélaïde où ils avaient trouvé une opportunité de travail. J’ai également vécu à Zurich et aux Etats-Unis durant mes études de droit. Mais, oui, je suis profondément attaché à cette ville. Et quand je pars en voyage – le plus souvent possible! – je suis toujours heureux de revenir.»
Trois générations de médecins en famille
Seule personnalité de sa famille engagée en politique, il précise, amusé: «J’ai un peu rompu avec la tradition: du côté de mon père, la famille compte trois générations de médecins. Mon frère est acteur et ma sœur enseignante. Quant à moi, je suis devenu avocat, parce que les lois sont le fondement de la démocratie. Surtout, j’ai aussi été très influencé par la personnalité de Jean-Philippe Maitre, l’ancien conseiller national, chef de groupe PDC aux Chambres, aujourd’hui décédé. C’était un ami de la famille, une figure très importante pour moi. Si je me suis engagé au PDC, c’est parce que le parti correspond à mes convictions libérales et humanistes, mais aussi parce que ce parti a une histoire: la démocratie chrétienne a joué un rôle important dans la construction de l’Europe contemporaine.»
Constamment entre deux rendez-vous, le jeune maire fourmille de projets pour Genève, tout en n’entendant pas du tout lever le pied sur son engagement au niveau national: «Siéger dans un législatif et un exécutif n’est de loin pas incompatible. Au contraire, c’est même utile, tant pouvoir agir à la fois sur le concret et sur les conditions-cadres peut être complémentaire. Cette année, je vais également pouvoir nouer des contacts importants pour Genève. Je veux agir pour que la ville garde tout son pouvoir de séduction, tant pour ses habitants que pour les entreprises et institutions qui pourraient s’y installer.»
Dans cet incessant tourbillon, ce célibataire avoue tout de même avoir appris à garder des moments pour lui: «En politique, il faut savoir prendre du recul. Ce recul, je le trouve auprès de ma famille, de mes amis, qui m’accompagnent depuis toujours, pour certains même depuis la maternelle! Dans les voyages, aussi. J’ai commencé tout jeune, à 19 ans, par deux très longs périples. Sac au dos, à l’aventure… C’est lors d’une de ces expéditions que je me suis retrouvé avec un ami coincé pendant quatre jours dans la steppe de Mongolie. Notre véhicule de location, un vieux bus de l’armée soviétique, est tombé en panne au milieu de rien. Autant dire que nous avons été heureux de voir arriver un individu sur une moto… deux jours après! Depuis, j’ai dû visiter une soixantaine de pays… Et, pour rester en forme, je fais du jogging au moins une fois par semaine et du tennis, quand je peux. Cela me permet de réfléchir calmement et de décompresser, de faire le vide, aussi. C’est bien, parfois de se reposer la tête!»