
Chaque semaine, L'illustré rencontre une personnalité au coeur de l'actualité culturelle romande. Aujourd'hui: l'artiste-peintre Francine Simonin qui expose ses grands «Léman» récents à Lausanne.
En face, à Lausanne, elle expose une vingtaine de ses grandes gravures, des pointes sèches sur monotype réalisées à Pully dans l’atelier de l’ami Raymond Meyer, maître taille-doucier avec lequel elle collabore depuis 1965. L’artiste expose dans le magnifique Espace Arlaud, là où était installée l’Ecole des beaux-arts dont elle était sortie diplômée à 20 ans, en 1956. Les volutes de ses inséparables cigarettes se dispersent comme ses souvenirs. «Enfant, j’habitais place Chauderon, vis-à-vis de la Dent-d’Oche, mon père était marchand de vin, mon grand-père l’inventeur de la gentiane.» De sa prime jeunesse, Francine porte toujours la mémoire d’un frère jumeau décédé à l’âge de 2 ans. «Quand je rencontrais un gars, il fallait qu’il lui ressemble ou je me disais: «Qu’est-ce qu’aurait fait Jean-Marc?» Et ça ne collait jamais. Je n’étais pas très généreuse, j’étais tellement révoltée!»
A 81 ans, Francine Simonin brûle toujours d’un grand feu, de ses joies et de ses colères qu’elle exprime à grands traits vigoureux: «Mon plus grand amour, c’est la peinture, des fois mâle, des fois femelle, l’art n’a pas de sexe.» En 1968, un échange d’artistes l’avait conduite à Montréal, où elle s’est installée et où elle réside toujours une partie de l’année. «J’y ai un grand atelier, ici, c’est un mouchoir de poche. Un copain qui pourrait être mon fils m’a aidée à mettre de l’ordre dans mon merdier. Maintenant, je vois à peu près ce que j’ai fait.» En six décennies de travail souvent frénétique, Francine Simonin a réalisé près de 10 000 œuvres, des peintures, des dessins, des gravures, des estampes, à gros traits généreux et tout en nuances, d’un expressionnisme à la fois vigoureux et délicat. Elle a peint en Normandie, au Portugal, elle a pris pour thème les jardins, les musiques de Nina Simone ou de Miles Davis. Elle a œuvré aussi au fil de ses lectures, Henry Miller, Michaux, René Char, Proust.
Au soir de son œuvre, cette petite femme vive et colorée comme sa palette trouve que les artistes ont toujours trop d’ego. «Moi, j’aime mieux être considérée comme une fille qui gribouille et qui reste en marge.» Et qui n’est pas prête à se laisser mettre en boîte, fût-elle de crayons de couleur. «La Suisse, je l’aime et je la déteste. Les Vaudois sont sages et renfrognés, comme Wawrinka que j’aime bien. Les Québécois ne sont pas râleurs mais vraiment susceptibles. Certains trouvent que je suis maladroite, mais je dis toujours ma vérité.»
Léman, une exposition de Francine Simonin, Lausanne, Espace Arlaud, jusqu’au 2 juillet, www.musees.vd.ch/espace-arlaud