
Fabienne Bühler
C’est dans les hauteurs de Lenzerheide (GR) que Manuela et Didier Cuche, accompagnés par leur fils, Noé, se sont unis, là où ils se sont rencontrés, en mars 2014.
Carnet rose
Le champion du monde de ski, à la retraite depuis cinq ans après 17 saisons de feu, a épousé sa Manuela sur une terrasse ensoleillée des Grisons. Lors d’une cérémonie qui leur ressemblait, simple et belle, avec leur fils sur leurs genoux.
Au moment de s’échanger amoureusement leurs promesses, peut-être Manuela (33 ans) et Didier Cuche (42 ans) ont-ils laissé leurs regards s’échapper au-delà de la large terrasse de l’hôtel où la célébration avait lieu. Peut-être ont-ils aperçu la piste où, en mars 2014, tout a commencé entre eux. Cuche avait arrêté la compétition un an et demi plus tôt, il s’était rendu à Lenzerheide (GR) pour un engagement avec sa marque de skis, à l’occasion des finales de la Coupe du monde.
En reconnaissant la descente, il était passé à côté de Manuela et avait trouvé cocasse qu’une jeune femme à l’apparence aussi fine ait un gros sac médical dans le dos; il avait supposé qu’elle se trouvait là pour aider le véritable docteur à le porter. Il en rit aujourd’hui, car Manuela Fanconi était une pro, une vraie, engagée en tant que médecin officiel de la compétition et qui avait sauvé des vies pendant une année et demie à la Rega.
Le lendemain, il s’était retrouvé à la table voisine de la demoiselle, dans un restaurant de la station. Là, ils avaient parlé. Et le surlendemain, comme il avait oublié un vêtement dans un local commun, il était tombé sur elle par hasard. Ils avaient encore parlé, longuement. Il avait souri quand elle lui avait naïvement demandé s’il savait skier dans de la neige poudreuse et il l’avait invitée à apprendre le télémark avec lui, cette drôle de discipline alpine venue du fond des âges. Et là, ils avaient compris. Tout s’était enchaîné. «Avec Manuela, nous avons les mêmes valeurs et des origines qui se ressemblent. Sa mère est hôtelière dans le val Bregaglia (GR), comme mes parents aux Bugnenets (NE). La nature et la neige ont toujours eu des places importantes dans nos vies.»
80 invités
Le temps a passé, tant d’événements leur sont arrivés depuis. Surtout un: la naissance de leur fils, Noé, en décembre 2015. Et ils sont de nouveau là tous les deux, au même endroit, ce vendredi 31 mars, pour se marier et s’offrir leurs anneaux, avec une simplicité de chaque instant. Pourquoi cette fête? L’ex-grand champion explique que, «même si nous nous sommes mariés civilement en 2015, nous avons toujours voulu organiser une journée festive, emplie de symboles, qui scelle notre engagement devant nos proches. Soit le fait de fonder une famille, de toujours avoir avec soi quelqu’un avec qui partager les bons et les mauvais moments de l’existence.» Pour lui, «une peine partagée est deux fois plus légère et un bonheur est décuplé».
Ils ont ainsi voulu une cérémonie presque intime, environ 80 invités, juste leurs grandes familles et quelques personnes qui ont jalonné leurs vies. Pour lui, ses service–
men de toujours, Dany Vaquin et Chris Krause, son préparateur physique, Florian Lorimier, ou son entraîneur de l’époque, Patrice Morisod. Et la montagne, partout, de tous les côtés où l’on regarde. Invités eux aussi mais dans l’impossibilité de venir, les ex-skieurs William Besse et Daniel Mahrer ont envoyé des vidéos chaleureuses pour s’excuser. «Quand je suis arrivé au plus haut niveau, ils étaient les cracks. J’ai toujours gardé une belle relation avec eux.»

Toute la noce a rendez-vous en début d’après-midi à l’hôtel Valbella Inn, à Lenzerheide. De là, des bus postaux amènent les invités jusqu’au lieu de la cérémonie: la terrasse du Berghotel Tgantieni, un établissement tenu par l’ex-descendeur Silvano Beltrametti, devenu paraplégique après une chute survenue lors de la descente de Val-d’Isère, en 2001. Didier s’en souvient: «La veille, nous étions montés sur le podium du super-G, moi deuxième et lui troisième, derrière l’Autrichien Eberharter. Nous avons toujours été bons camarades.»
Un pasteur zurichois, ami de Manuela, bénit leur union. Puis les deux époux s’adressent leurs messages, doux et clairs, tandis que leur fils essaie par tous ses petits moyens de descendre de la luge où ils sont assis, pour toucher les pétales de fleurs éparpillés par terre… La mariée s’exprime en allemand, le marié en français. Il dit que la preuve de leur amour se trouve déjà dans leurs jambes, avec la présence de Noé. Et qu’il promet de faire tout son possible pour être un excellent mari et un merveilleux papa. Il sourit: «La partie la plus émotionnelle ne s’est cependant pas forcément produite lors de cet échange. Pour moi, ce fut plutôt de voir les gens si touchés quand ils nous ont félicités.» Ses parents en premier, Marlise et Francis: leurs trois fils sont désormais mariés et parents. Bernard a trois enfants et l’aîné des frères, Alain, deux. Dont un fils de 19 ans, Robin, qui vient de décrocher une médaille d’argent lors des Mondiaux de ski alpin de sport-handicap, en Italie.
Après les promesses et un apéritif, les invités remontent dans les bus et rejoignent le Valbella Inn, pour le repas du soir. Rayon gastronomie, du vin blanc d’Auvernier et des caponetti typiques des Grisons accompagnent les filets de perche suisses et les tranches de veau. Car Didier n’oublie pas qu’il fut un ardent garçon boucher.
Le couple vit aux Hauts-Geneveys (NE). A la maison, on parle plutôt suisse allemand, surtout à l’adresse de Noé. «L’allemand m’a tellement servi», souligne Cuche. Le bambin occupe une place énorme. «Je sais aujourd’hui, par rapport à l’intensité de la carrière que j’ai eue, qu’il aurait peut-être été égoïste de faire un enfant à ce moment-là. Elever un bébé est tellement intensif et demande tellement d’énergie que j’aurais manqué beaucoup de moments. Je peux aussi dire que nous en désirons davantage qu’un seul…» Lui qui a dévalé tant de pentes abruptes et relevé tant de défis est prêt à oser celui de papa, qui se joue aussi parfois au dixième de seconde, chaque jour.
Découvrez l'album photo du mariage de Didier Cuche