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Lea Sprunger: "Je reviendrai plus forte"

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Julie de Tribolet
Pour les besoins de la photo, Lea Sprunger s’est amusée à sauter dans le salon de son appartement à Lausanne. Dans quelques jours, elle fera ses valises pour l’Afrique du Sud.
Rencontre

Aux Championnats européens en salle, l’athlète vaudoise devait ramener l’or sur 400 mètres. En finale, elle a craqué. Avec sincérité, elle se confie sur sa désillusion, mais aussi sur ses ambitions intactes et sa rage de vaincre.

Elle revoit les images, encore et encore. Ce virage et cette dernière ligne droite où, en tête de la course, elle a alors complètement perdu ses moyens. Ce samedi 4 mars, sur la piste de l’imposante Kombank Arena de Belgrade, Lea Sprunger était pourtant la plus forte, la favorite de cette finale du 400 mètres des Championnats d’Europe en salle. Mais alors que l’or lui semblait promis, la Vaudoise termine à la cinquième place avec une déception immense en guise d’unique trophée et des larmes plein ses grands yeux bleus. «Le soir, quand je repense à la course, j’essaie d’en changer le scénario… Mais cela n’est pas possible», confie, de retour en Suisse, la jeune femme de 27 ans, attablée dans son appartement cosy, au cœur de Lausanne, où elle a emménagé l’automne dernier.


Les yeux dans les yeux: Lea Sprunger est une athlète de caractère. Elle n’est pas du genre à se défiler après un échec. Photo: Julie de Tribolet

Lea Sprunger a immédiatement accepté l’idée d’une rencontre. Elle n’est pas du genre à se cacher après un échec. Une incroyable défaillance que la sportive ne s’explique toujours pas. «C’est comme si, après les 300 premiers mètres, quelqu’un avait tiré la prise, je n’avais plus de jus. Mon corps ne répondait pas.» La Suissesse était pourtant arrivée sereine en Serbie. Rapide comme jamais, elle avait couru cet hiver trois dixièmes de seconde plus vite que sa plus sérieuse rivale, une éternité sur un 400 mètres… La demi-finale n’avait été qu’une formalité.

Aujourd’hui, l’athlète essaie encore de comprendre pourquoi elle a craqué mentalement, dans le but d’améliorer sa préparation, pour ne plus refaire les mêmes erreurs. Elle s’est promis de revenir plus forte. La phrase d’un entraîneur, spécialiste du 400 mètres, l’a particulièrement interpellée. «Il m’a dit que j’avais couru avec les yeux dans le dos au lieu de les avoir sur la ligne d’arrivée. Il a raison… Plutôt que de me concentrer sur ma course, je me suis focalisée sur les autres filles, craignant qu’elles ne reviennent sur moi…» Une peur qui aurait fini par la paralyser.

Le coup est dur. Lea Sprunger ne s’en cache pas. «On dit toujours que le sport est une leçon de vie, a-t-elle écrit avec franchise sur son site internet (leasprunger.ch). Eh bien ce samedi 4 mars 2017, je peux le confirmer. J’ai pris une leçon à laquelle je ne m’étais pas préparée et qui m’a baffée en plein visage.» Au moment de sortir de l’anneau ovale, dépitée, elle lâchera même un cinglant «Peut-être que ce sport n’est pas pour moi» qui ébranlera jusqu’à ses plus fidèles soutiens. «J’étais profondément touchée. Dans le feu de l’action, je me suis dit que je n’y arriverais pas, que je serais toujours celle qui arrive avec le statut de favorite et qui craque le jour J.»

Piste détrempée

Difficile en effet d’oublier qu’il y a six mois à peine, Lea Sprunger vivait un véritable cauchemar lors des Jeux de Rio, éliminée d’entrée de jeu sur le 400 mètres haies, après une course totalement ratée, alors que ses performances lui permettaient de viser la finale olympique. Sur une piste détrempée par la pluie, placée au couloir No 1 qui n’avantage pas une fille longiligne comme elle, la Vaudoise a surtout payé une saison trop chargée. «J’avais été très tôt en forme, alignant les bons résultats», se souvient-elle. Le 9 juillet 2016, elle décroche ainsi une médaille de bronze sur 400 mètres haies aux Championnats d’Europe d’Amsterdam. Elle rayonne comme jamais, le drapeau suisse tendu au-dessus de ses épaules. Une semaine plus tard, sur la même distance, elle brille, terminant à une prometteuse cinquième place lors du prestigieux meeting Herculis de Monaco, juste avant de pulvériser, à Genève, le record de Suisse du 200 mètres détenu par la sprinteuse bernoise Mujinga Kambundji. L’ovation du public est à la hauteur de l’exploit. Etourdissante.

Lea Sprunger s’envole pour Rio gonflée à bloc. «J’étais dans l’adrénaline, prise par mon enthousiasme.» Mais en arrivant au Brésil dix jours avant son entrée en lice, avec, pour une fois, du temps pour elle, la jeune femme va décompresser et arrive lessivée au départ de ce qui doit être la course de sa vie. «Et ce fut la pire…» Elle encaisse, assume. Elle travaille sur elle, se fait aider par un coach mental. Les médias attendent que l’athlète rebondisse à Belgrade… Qui se révélera donc une nouvelle désillusion, nourrissant un profond sentiment d’inachevé.

Mais Lea Sprunger est une battante. Elle connaît son potentiel. Les observateurs du petit monde de l’athlétisme prédisent que la Suissesse peut atteindre les sommets sur ce 400 mètres haies si tactique, si intense, si technique, peut-être la course la plus difficile. Elle est rapide, possède un style naturel qui lui permet d’économiser son énergie et, surtout, sa grande taille, 1 m 83, est un atout pour les foulées entre les obstacles. Dans quelques jours, la protégée de l’entraîneur Laurent Meuwly partira pour son désormais habituel camp d’entraînement en Afrique du Sud, avec déjà le regard tourné vers l’avenir et, surtout, les Championnats du monde qui se dérouleront au mois d’août à Londres. Perfectionniste, elle s’est déjà fixé de nouveaux défis, afin de préparer ce corps qu’elle aime imaginer comme une «machine de guerre».

Déterminée, la jeune femme est prête à souffrir encore et encore sur le tartan avant tout parce que c’est un plaisir. Cette vie d’athlète quasi professionnelle (elle travaille à 30% dans une société de marketing et événementiel sportifs) lui plaît plus que tout. «Mon bureau, c’est un stade. C’est pas mal, non? Je suis dehors, au soleil, alors que tant d’autres sont derrière leur écran», sourit celle qui aime voyager de meeting en championnat. Une carrière à laquelle rien ne la prédestinait. «Jeune, j’étais grande et désarticulée», raconte celle que l’on a parfois surnommée «la longue». Elle découvre l’athlétisme à la société de gym de son village de Gingins, sur La Côte, où elle grandit au milieu d’une fratrie de quatre enfants. A 10 ans, la jeune fille intègre le club du COVA Nyon, surtout pour être avec ses copines et sa sœur aînée Ellen, qui deviendra l’une des meilleures heptathloniennes du pays. Petit à petit, avec les résultats, Lea Sprunger accepte l’évidence. Sa vie tournera autour du sport. Sa carrière décolle en 2009 avec une médaille de bronze en heptathlon aux Championnats d’Europe juniors.

Jeux de Tokyo

Le jour où elle obtient sa qualification pour ses premiers Jeux olympiques, en 2012 à Londres, reste comme l’un de ses meilleurs souvenirs. «Participer à une cérémonie d’ouverture, c’est quand même quelque chose.» En 2020, à Tokyo, Lea Sprunger pourrait participer à ses troisièmes JO. C’est la limite qu’elle s’est fixée. Elle aura 30 ans, le moment peut-être de ranger ses pointes et de fonder une famille. D’ici là, elle entend bien briller, claquer cette victoire tant attendue dans une grande compétition. «A chaque fois, je corrige ce qui n’a pas fonctionné. Une fois, toutes les pièces du puzzle seront assemblées… La victoire n’en sera que plus belle.»

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