
La Suisse fait actuellement face à une recrudescence de la consommation de cannabis légal. Cette variété douce présente moins de 1% de substance active, autrement dit le THC, mais problème pour la police: comment la distinguer de l'herbe "classique", aux effets autrement plus dangereux? Un test pratique devrait débarquer très vite.
Si vous êtes parents d’adolescents, vous avez forcément entendu parler du cannabis légal, l’herbe douce en vogue actuellement dans notre pays, disponible en kiosque, dans des boutiques spécialisées et par Internet.
Pour reprendre le slogan publicitaire d’une boisson (Canada Dry) très en vogue dans les années 80, on pourrait dire ceci: "Doré comme l'alcool, son nom sonne comme un nom d'alcool… mais ce n'est pas de l'alcool." C'est vrai, il s'agit ici de fumette, mais tachons de ne pas surréagir. Certes, cette herbe douce est une drogue, mais elle est au cannabis ce que la bière sans alcool est à la bière.
L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) le dit très clairement sur son site web: la vente de produits à faible teneur en THC – la substance active du cannabis – a explosé dans notre pays. Cette herbe-là ne pète pas, car elle n’est pas psychoactive, selon Swissmedic, mais elle s’avère relaxante. Très exactement comme un ado aura l’impression de s’enivrer très légèrement avec une bière sans alcool – qui en contient tout de même entre 1 et 2% - s’il l'ingurgite en ignorant ce qu'il boit. L’effet placebo du cannabis légal est réel, sinon comment expliquer que les jeunes consommateurs se tournent clairement vers les produits présentant un fort taux de cannabidiol (CBD), pourtant non psychoactif?
On a peine à croire qu’un tel produit puisse être durablement adopté par nos ados. Dès qu’ils auront compris la «supercherie» et qu’ils réaliseront que ce qu’ils pensaient être vraiment de l’herbe n’en est pas, en dépit des apparences et de son goût, il est probable qu’ils la délaisseront, fut-ce pour ne pas passer pour des blaireaux trop crédules. L’image de marque, c’est essentiel aujourd’hui.
Nous venons toutefois de le rappeler, les apparences sont trompeuses. Et ce qui posera vraisemblablement problème demain aux consommateurs débutants constitue d’ores et déjà un souci pour la police. Impossible en effet de distinguer, à l’oeil, au toucher ou à l’odeur, le cannabis light, légal donc, de la marijuana au fort taux de THC.
Et sur ce plan-là, soyons très clairs: l’herbe à papa que fumaient les hippies à la fin des années 60, la cigarette qui faisait rire les joyeux campeurs de Paléo jusqu’à la fin des années 1990 est un lointain souvenir. Le produit a considérablement évolué. La culture indoor parfaitement maîtrisée, les croisements de variétés, ont augmenté de manière extrêmement conséquente la teneur en THC. A tel point qu’il semble difficile de parler encore de drogue douce aujourd'hui…
A titre d’exemple, en 1993 aux Etats-Unis, l’herbe couramment saisie par la police présentait un taux moyen de 3,4% de THC. En 2004, soit une décennie plus tard, la concentration de THC avait passé à quelque 15%! Et on ne voit vraiment pas pourquoi la tendance se serait inversée depuis lors…
Pour un fumeur novice, un joint d’herbe maison (issue de la culture indoor), fruit de multiples croisements, équivaut pratiquement à un trip de LSD dans ses effets. Même physiquement, on observe des symptômes similaires: pupilles éclatées, insomnie, sentiment de paranoïa, sueurs froides. Il faut oublier l’herbe rigolote dont les Mexicains (le titre est espagnol au départ) recommandaient l’usage dans la chanson La Cucaracha en ces termes: «La cucaracha, la cucaracha, ya no puede caminar; porque no tiene, porque le falta marihuana que fumar». Ce qui donne en français: «Le cafard, le cafard, ne peut plus marcher; parce qu'il n'a pas, parce qu'il lui manque, de la marijuana à fumer.» Cela peut commencer par des éclats de rire, mais ça se gâte souvent rapidement.
Non seulement l'herbe à papa n’existe plus, mais celle qui s’échange aujourd’hui illégalement sur le marché, en Suisse romande en particulier, ne fait plus rire personne, surtout pas la police.
La police justement qui, comme l’explique Olivier Guéniat, chef de la police judiciaire neuchâteloise, n’a aucun moyen de reconnaître l’herbe légale à la teneur en THC nulle, de celle susceptible de réduire à néant la mémoire de nos jeunes – l’un de ses méfaits les plus indiscutables! Seule option à disposition des flics pour démêler l’écheveau: ordonner des tests en laboratoire, mais à 500 francs l’unité, ça fait réfléchir même si, en cas de résultat positif, c’est au suspect de régler la note…
La Fédération suisse des fonctionnaires de police souhaite pouvoir disposer d’un instrument de détection ultra rapide, d’un test de poche en somme, fiable et immédiat. «Ce serait la meilleure solution», confirme Olivier Guéniat à l’ATS. Plusieurs sociétés privées sont sur les rangs. La police devrait donc jouir très bientôt d’un tel outil, devenu indispensable.