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Le téléjournal romand souffle ses 50 bougies

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AFP/Clemens Bilan
Camaraderie. Il y a neuf ans, José Ribeaud quittait la Suisse pour s’installer à Berlin. Dimanche dernier, il accueillait chez lui l’un de ses dignes successeurs aux commandes du téléjournal, Darius Rochebin.
Télévision

Le 2 octobre 1966, José Ribeaud présentait le premier téléjournal romand. Pour marquer le coup, le Jurassien a reçu, à Berlin, Darius Rochebin, vedette incontestée du TJ actuel. Le choc de deux époques.

Le vol Swiss reliant Zurich à Berlin est bondé en ce samedi soir. Il est presque 22 h et la plupart des passagers somnolent dans la pénombre de la cabine, attendant la descente sur l’aéroport de Tegel. Pas Darius Rochebin. Le présentateur vedette du 19h30 a braqué la petite lampe de son siège sur la pile d’articles qu’il a emportés avec lui. Il profite du trajet pour préparer son interview de Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations Unies, prévue le lundi après-midi. Malgré cette échéance, la star du TJ a accepté l’invitation de L’illustré d’aller rencontrer José Ribeaud. Installé dans la capitale allemande depuis près de dix ans, le journaliste d’origine jurassienne fut le tout premier présentateur du téléjournal romand. C’était il y a exactement cinquante ans. Darius Rochebin n’était juste pas né.

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Ce voyage fait remonter de nombreux souvenirs: «Ma famille a acheté notre première télévision lorsque j’avais 7 ans, raconte le Genevois. C’était José Ribeaud qui officiait au téléjournal, je le regardais, fasciné. Après la diffusion, j’allais jouer au présentateur dans ma chambre, j’interviewais mes parents. Journaliste a toujours été pour moi une vocation.» José Ribeaud a donné rendez-vous le dimanche matin chez lui, dans l’appartement qu’il loue dans une coquette maison d’un tranquille quartier de Charlottenburg, où se mêlent bâtisses bourgeoises, une poignée d’ambassades et une ancienne clinique psychiatrique transformée en centre d’accueil de migrants. Devant le portail d’entrée, un détail ne peut échapper au féru d’histoire qu’est Darius Rochebin. Une plaque commémorative signale que c’est dans cette demeure de l’Eichenallee qu’a vécu Ernst Simmel, fameux psychanalyste allemand et grand ami de Sigmund Freud. Devant le vif intérêt de son invité, José Ribeaud se fait un point d’honneur à montrer la porte dérobée qui a permis à Ernst Simmel, juif et socialiste, d’échapper à la Gestapo venue l’arrêter en 1934 et d’aller se réfugier à l’ambassade des Etats-Unis.

Seul candidat

Une fois tout le monde installé dans le salon de l’appartement, autour d’un café, la discussion s’engage rapidement sur le sujet du téléjournal. José Ribeaud se souvient de la petite annonce parue dans la Gazette de Lausanne pour un poste de journaliste-présentateur. L’homme enseigne alors à l’Ecole prévôtoise de Moutier, une école de commerce privée. Il est certes pigiste au Pays de Porrentruy, mais il n’a pas tout à fait le profil. Qu’importe. Il postule. «François Gross, le rédacteur en chef du TJ, m’a appelé pour que je vienne faire des essais devant la caméra. J’ai été engagé avec un salaire de 1550 francs… Plus tard, il m’a avoué que j’avais été le seul candidat à avoir postulé», raconte José Ribeaud, avec un brin de malice dans le regard et un léger accent jurassien qu’il n’a jamais perdu. Le dimanche 2 octobre 1966, sans vraiment s’en rendre compte, il écrit l’histoire des médias en devenant le premier présentateur de téléjournal romand. Dans les faits, le TJ existe depuis le 4 avril 1955. Il s’agit alors d’images diffusées depuis Zurich avec une voix off, en allemand, en français et, depuis le 18 juin 1958, également en italien. C’est dix ans plus tard que la SSR (Société suisse de radiodiffusion) va connaître un premier bouleversement. Depuis le 1er février 1965, en effet, le Conseil fédéral l’autorise à diffuser dix minutes de publicité par jour. «Cette manne va permettre de développer le téléjournal», explique encore José Ribeaud. Un ministudio de 40 m² est installé dans un appartement de Zurich. Tout est très sommaire. Les équipes travaillent encore à la pellicule et les images sont souvent diffusées deux ou trois jours après avoir été tournées. Il y a une seule caméra fixe, ce qui oblige à échelonner les émissions dans les trois langues, de 19 h 30 à 20 h 30. Le téléprompteur arrive en 1973, la couleur une année plus tard.

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«Quand je compare à aujourd’hui, nous étions très statiques, sérieux, trop formels», commente José Ribeaud. Un avis que ne partage pas complètement Darius Rochebin, qui admire le phrasé, le sens littéraire des présentateurs de l’époque: «La qualité d’expression s’est un peu perdue.» Les débuts de ce TJ ne sont pas simples. Les autorités se méfient de ce nouveau média. «Nous n’avions même pas accès aux conférences de presse du Conseil fédéral!» José Ribeaud, qui est nommé rédacteur en chef du TJ en 1970, insiste sur le contexte politique tendu de l’époque. Nous sommes en pleine guerre froide. La peur du «Rouge» est omniprésente dans une Suisse très conservatrice. Aucune critique à l’encontre de l’armée n’est ainsi tolérée. «Nous étions très vite accusés d’être des communistes, voire même des maoïstes. A tel point que lorsque je m’étais laissé pousser la barbe pendant mes vacances, on m’a demandé si j’étais devenu castriste.» L’ambiance est pesante. On se méfie de certains collègues, qu’on suspecte d’informer la police fédérale.

Un certain Jean Ziegler

En 1972, l’UDC, déjà elle, lance de violentes attaques, critiquant la vision supposée gauchisante des journalistes de télévision. Deux ans plus tard, une commission du Conseil des Etats débarque à la rédaction pour s’assurer de l’impartialité des équipes. A cette même période, plusieurs voix s’élèvent pour demander le déménagement du TJ romand à Genève. La première est celle d’un certain Jean Ziegler, alors conseiller national, qui interpelle le Conseil fédéral le 27 mai 1969. Il faudra attendre 1982 pour que le téléjournal soit diffusé depuis la Suisse romande, le début d’une nouvelle ère (lire l’entretien avec Gaston Nicole). Si beaucoup de choses ont changé en cinquante ans, Darius Rochebin et José Ribeaud s’accordent sur le fait que le corps du métier n’a pas changé: le trac avant d’apparaître à l’écran, le souci d’apporter une information claire et concise, l’importance de l’esprit de synthèse. «Malgré l’irruption d’internet, le TJ est resté le rendez-vous des Romands. C’est un peu la place du village où l’on se retrouve quand il y a des événements importants. C’est très fort quand des drames touchent la Suisse», analyse Darius Rochebin, encore marqué par le terrible glissement de terrain qui avait dévasté le village valaisan de Gondo, le 14 octobre 2000. Après vingt ans d’antenne (il a présenté son premier journal télévisé en 1996; il s’agissait du TJ Soir), le Genevois ressent toujours la passion du métier, l’excitation «de se sentir en phase avec l’actualité» et ce sentiment de proximité avec le public. «Le TJ, c’est la seule émission où le présentateur regarde le téléspectateur droit dans les yeux, cela crée une proximité», souligne encore Darius Rochebin.

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Avant de prendre congé de son hôte, celui-ci ne peut s’empêcher de signaler qu’il est «jaloux» de l’interview réalisée par José Ribeaud d’Alexandre Soljenitsyne, à son arrivée à Zurich en 1974. Passionné d’histoire russe, lui qui a interviewé Vladimir Poutine et Mikhaïl Gorbatchev, Darius Rochebin aurait rêvé de rencontrer le Prix Nobel de littérature, un véritable «génie». Il est temps de prendre congé. Le lendemain, une autre rencontre de prestige l’attend donc: Ban Ki-moon, qui quitte l’ONU après dix années passées à la tête de l’organisation. Le mandat de Darius Rochebin n’est, quant à lui, peut-être pas près de s’achever.

 

Si vous souhaitez creuser vous-même ce sujet sur l'histoire du TJ, vous vous rappelons que la RTS a créé un service archives des plus pertinents


Le TJ a 50 ans

Roland Bhend: «J’étais sujet aux fous rires»

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Entre plusieurs activités, du golf au tennis, Roland Bhend aime peindre. Telle la toile accrochée derrière lui, dans son appartement de Gland (VD). En médaillon, Roland Bhend en octobre 1976, depuis le studio de Zurich. De 1969 jusqu’à sa retraite en 2004, il a présenté nombre de grands événements mondiaux. Photos: Lionel Flusin, RTS

Il débarque d’une semaine de vacances en Sicile, tout bronzé, et montre fièrement ses ceps de vigne dans sa maison de Gland (VD), dont il tire 200 bouteilles d’un blanc joyeux, malicieusement baptisé Le Gland Clu. Il enchaîne avec son jardin qu’il passe un temps fou à bichonner et son atelier, où il peint des toiles colorées et optimistes. Roland Bhend, 73 ans, est un retraité heureux. «Déprime, nostalgie? Je ne sais même pas ce que cela veut dire… Je suis toujours dehors, moi, c’est mon côté jurassien», sourit-il.

Il s’est retiré en 2004 après trente-cinq ans de téléjournal, vécus dans une multitude de fonctions, dont chef de la rubrique nationale, de 1989 à 1991. «J’ai pris un pied énorme dans toute ma carrière. Jamais un grave problème», glisse-t-il, reconnaissant. On le regarde encore, il manque quelque chose. Mais si! Où a-t-il fourré sa moustache de lord anglais, célèbre entre toutes? «Oh, je l’ai supprimée il y a six mois. Les poils ne poussaient plus sur les bords et je trouvais que cela me donnait un petit air hitlérien…»

Dès 1969, l’année de son arrivée, il a réalisé qu’il ne souffrait pas de stress. «Je n’ai jamais eu peur avant l’émission. Par contre, après, je me demandais souvent si j’avais tout fait juste. Il m’est arrivé de mal dormir, surtout quand j’étais chef de la rubrique nationale. Je suis assez perfectionniste. Pas timide, mais avec un côté émotif.»

Après l’époque à Zurich, ce Chaux-de-Fonnier attaché à ses racines a déménagé sur la côte vaudoise en 1980, deux ans avant le transfert du TJ à Genève. «J’ai eu de la chance, cela correspondait à la scolarisation pour mes enfants. Et j’étais pour la décentralisation. Nous ne pouvions pas faire le même journal pour un Appenzellois que pour un Lausannois.»

Des souvenirs, il en a en ribambelle. Ces suites d’émission, après le TJ Midi, où les invités étaient conviés à manger. «Les langues se déliaient. Je me souviens d’Ed­monde Charles-Roux, épouse de Gaston Defferre. J’avais appris beaucoup sur les secrets de la politique française. J’ai aussi toujours aimé accueillir des scientifiques, pour leur simplicité. L’astrophysicien Hubert Reeves m’a tellement passionné que j’en oubliais de lui poser des questions.» A l’entendre, il décrit une période dorée. Si le métier a changé? «Il s’est modifié à cause de la pression des autres médias. Nous avions plus de temps pour contrôler, recouper. Aujourd’hui, via Internet, tout le monde se croit journaliste.»

Il a connu les studios genre cagibi de Zurich et n’a pas oublié l’arrivée du prompteur, au milieu des années 70. «Les Français l’avaient eu avant nous et se moquaient des p’tits Suisses qui lisaient encore leurs feuilles. Le public croyait qu’ils mémorisaient leurs textes…»

Il était sujet aux fous rires. «Cela ne se contrôle pas. Un jour, j’en ai piqué un gros un dimanche, lors de l’émission principale. Le lendemain, je croise le grand patron et je me prépare à me faire gronder. Mais non, il s’exclame: «Oh, Bhend, qu’est-ce qu’on a ri avec ma femme, hier soir!» M. D.


Le TJ a 50 ans

Eliane Bardet: «Nous annoncions les morts au Vietnam tous les jours»

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Première présentatrice du TJ, Eliane Bardet vit à Colombier (NE). Active, elle vient de renouer avec une vieille passion: le chant choral, qu’elle pratique dans un chœur local. En médaillon, Eliane Bardet en mars 1974, à Berne, alors qu’elle assumait la fonction de correspondante parlementaire. Photos: Lionel Flusin, RTS

Pour imaginer les studios du TJ en 1967, il faut fermer les yeux. Se voir monter trois étages dans un banal bâtiment du centre de Zurich et pénétrer dans deux espaces. «Côté route, les bureaux. Côté cour, une pièce avec deux magnétos et une caméra. Ce n’était pas très impressionnant», sourit Eliane Bardet. La toujours sémillante Neuchâteloise fut la première présentatrice, de 1967 à 1970, avant de devenir correspondante parlementaire, jusqu’en 1974. Puis correspondante pour le journal La Suisse, jusqu’en 1978.

Elle avait 23 ans et un petit job au Poly de Zurich quand elle se présenta. En guise d’examen d’embauche, elle dut résumer les nouvelles sur le téléscripteur. A une époque où la diffusion s’achevait vers 23 heures avec l’hymne national, ce téléjournal de 15 minutes était le noyau du programme. Eliane Bardet fut donc populaire, fort populaire. «Tu te rappelles, tout le monde t’appelait Eliane…» renchérit son mari Robert, architecte à la retraite, dans leur bel appartement de Colombier (NE). Elle hausse les épaules. «Je n’aimais pas jouir de plus de prestige que l’excellent boulot que faisaient mes collègues dans les journaux.» A son grand soulagement, comme elle vivait à Zurich, elle y croisait rarement une personne qui la reconnaissait.

Le travail était simple, mais exigeant. «J’étais plus rédactrice que journaliste. Il fallait réaliser une synthèse quotidienne de l’actualité, pour la Suisse entière.» Pourquoi une seule émission pour les trois régions? «L’arrivée des images était compliquée. Nous recevions des bobines avec des actus datant d’un jour ou deux, par express. Ainsi, nous travaillions et payions une fois pour les trois langues.» Elle n’a rien oublié des grands moments. «Tous les jours, nous annoncions le paquet de morts au Vietnam, les villages détruits, les manifs aux Etats-Unis. Et puis Mai 68.» Un jour, elle vit un collègue rentrer contusionné, la caméra brisée, après une altercation dans les milieux alternatifs, à Zurich. Des policiers l’avaient frappé. Le rédacteur en chef, François Gross, courageux, refusa d’autoriser le visionnage de ces images à la police zurichoise. Elle se permit une seule fois de marquer son écœurement: «Le général Franco avait fait garrotter des Basques. Nous avions ouvert là-dessus.»

Elle ne reçut jamais de consigne vestimentaire particulière. Elle puisait dans sa garde-robe. «Je portais souvent le même pull, surtout à l’époque de Noël…» Et jusqu’en 1971 et l’acceptation du suffrage féminin au niveau fédéral, elle ne put pas voter elle-même sur des sujets dont elle annonçait pourtant les résultats. «Cela ne me gênait pas. Nous sentions que cela allait venir.» M. D.


Le TJ a 50 ans

Gaston Nicole: «Présenter le TJ, c’est un stress violent et quotidien»

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A la retraite depuis l’an 2000, Gaston Nicole a délaissé sa passion de la voile. Il reste un très grand amateur de livres. En médaillon, après le déménagement du téléjournal de Zurich à Genève de 1982, dont il est l’un des grands artisans, Gaston Nicole assure la présentation des TJ du week-end. Photos: Lionel Flusin, RTS

Sur la table, différents quotidiens du jour sont alignés. A 81 ans, Gaston Nicole reste viscéralement journaliste. Comment oublier, au moment où il invite à prendre un café dans la salle à manger de son appartement de Nyon, qu’il est l’un des hommes qui ont écrit l’histoire des médias de Suisse romande. Ce fut lui, notamment, après un début de carrière dans la presse écrite au sein de la Gazette de Lausanne, qui devint, en 1967, le premier correspondant parlementaire fédéral de la télévision romande. Cinq ans plus tard, il revient à Genève, où il participe à la production d’émissions phares, comme Table ouverte ou Tell Quel. Surtout, en 1978, Gaston Nicole est nommé chef du département des actualités et rédacteur en chef du téléjournal. Il est chargé d’un projet d’envergure: rapatrier le TJ de Zurich à Genève. «On ne peut pas commenter l’actualité de la même manière en Suisse alémanique et en Romandie», martèle-t-il toujours aujourd’hui. Il y a beaucoup d’écueils à franchir, car il faut tout recréer au bord du lac Léman. Surtout, ils sont nombreux à craindre une perte de cohésion nationale si les différents téléjournaux du pays sont réalisés séparément.

Le premier TJ «genevois» est présenté par Pierre-Pascal Rossi le 1er janvier 1982. Ce dernier, décédé récemment, assurait la semaine en alternance avec Annette Leemann. Gaston Nicole s’occupe des week-ends avec Eric Lehmann. L’opération ne se limite cependant pas à un déménagement. La durée de la grand-messe de l’info passe de quinze à trente minutes. On développe l’interactivité (interviews sur le plateau, duplex, reportages maison…), ainsi qu’un réseau de correspondants en Suisse et à l’étranger.

Gaston Nicole quitte son poste en 1990, pour se consacrer à de nouvelles émissions comme Le grand chambardement. Mais, pour le journaliste, le TJ reste à part: «C’est un stress violent et quotidien. Vous devez travailler vite et bien, savoir prendre des décisions rapidement.» Il se souvient de cette journée de décembre 1989 où la rédaction reçut les images de prétendus charniers de Timisoara et où il fallut décider en quelques minutes de les diffuser ou non. Il y aura surtout la responsabilité de la couverture du sommet Reagan-Gorbatchev, en 1985, à Genève, où la télévision romande était chargée de filmer cette rencontre historique pour l’ensemble des télévisions du monde. «Il a fallu âprement négocier la position exacte de chaque caméra avec les services secrets américains et russes», raconte Gaston Nicole. Certainement le souvenir le plus fort d’une riche carrière consacrée à l’actualité. Y. P.


Le TJ a 50 ans

Muriel Siki: «Le TJ est la carte de visite de toute télévision»

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Même si elle s’avoue bien moins assidue que ses anciennes collègues Esther Mamarbachi et Agnès Wuthrich qui s’inscrivent à des marathons, Muriel Siki va courir deux à trois fois par semaine dans les forêts qui surplombent son village de Trélex, sur la côte vaudoise. En médaillon, après quatre ans passés à animer «Midi-Public», Muriel Siki se voit proposer la présentation du téléjournal en 1988 (ici, photo prise lors d’un «TJ Soir» de janvier 1989). Photos: Lionel Flusin, RTS

Elle fut sans doute la première vedette de la télévision romande. En 1984, quand Muriel Siki débarque des Etats-Unis pour animer Midi-Public, elle est accueillie en véritable star. Titulaire d’un master en journalisme de l’Université de Boston, la jeune femme arrive auréolée d’un début de carrière prometteur dans une télévision privée de l’Etat de Washington. Après une enfance passée entre Le Locle et Genève, Muriel Siki, à l’âge de 12 ans, était en effet allée vivre avec ses parents, un couple de pianistes, dans la ville de Seattle, où sa route croisera, pour l’anecdote, celle d’un certain Bill Gates. «Habituée au star-système américain, je n’ai pas été surprise, sur le moment, par cette effervescence médiatique. Ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte que c’était inhabituel pour la Suisse», se remémore Muriel Siki, assise dans le jardin de sa jolie maison villageoise de Trélex, sur les hauts de Nyon, une demeure que l’on se transmet de mère en fille dans sa famille depuis cinq générations.

Quatre ans après son retour à Genève, on lui propose de rejoindre le téléjournal, en remplacement d’Annette Leemann. Jusqu’en 2003, elle présente tour à tour le TJ Soir, le TJ Midi et l’édition principale à 19 h 30. «La pression y est énorme. Durant trente minutes, il faut assurer des interviews, des sujets souvent difficiles, sur des thèmes que l’on ne maîtrise pas toujours. Aujourd’hui encore, je rêve parfois que je suis sur le plateau faisant face à une monstre panne technique.» Il y a aussi des moments de fortes émotions à gérer. Cette mère de famille se souvient de ces images d’enfants touchés par la catastrophe de Tchernobyl: «J’étais au bord des larmes, mais je ne devais pas le montrer; les gens attendent que tu sois objective et professionnelle. Comme présentateurs, nous sommes peut-être confortablement installés dans un studio, maquillés et pomponnés, mais nous ressentons l’actualité.»

Son souvenir le plus fort reste sans aucun doute le TJ où elle a commenté la chute du mur de Berlin, en novembre 1989, un événement qui faisait résonance avec son histoire personnelle, son père, réfugié politique ayant fui la Hongrie communiste. Muriel Siki regrette juste que, en tant que femme, elle ait eu de la peine à être pleinement reconnue: «Nous étions un peu considérées comme les speakerines du TJ, alors que les messieurs étaient vus comme de vrais journalistes.»

Après le téléjournal, elle s’occupera de plusieurs émissions, dont la très populaire Dolce Vita. Aujourd’hui journaliste indépendante, elle collabore encore souvent avec la RTS. De très belles expériences, mais reste le souvenir du TJ: «C’est la grand-messe, l’émission la plus regardée. C’est la carte de visite de toute télévision.» Y. P.

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